Pièges pour le cerveau

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Parmi les casse-têtes les plus connus, certains ne se contentent pas d’entraîner le cerveau, mais le font aussi trébucher, en montrant quelles erreurs de réflexion l’humain commet souvent. Parviendrez-vous à résoudre du premier coup les deux énigmes de notre article ? Et si vous avez du mal, à quoi cela est-il dû ?

Problème des chèvres (également appelé « problème de Monty Hall »)
Le problème des chèvres est sans doute l’un des casse-têtes qui a suscité le plus de réactions au XXe siècle. Il occupe un article Wikipédia de plusieurs pages avec des tableaux et formules complexes, et certains cas spécifiques font d’ailleurs l’objet de controverses parmi les scientifiques. Cependant, les non-spécialistes peuvent aussi résoudre ce problème, s’ils parviennent à éviter quelques pièges classiques.

Le problème fut publié à l’origine en 1975 par le statisticien Steve Selvin dans le courrier des lecteurs d’une revue scientifique. Il s’est fait connaître du grand public dans les années 90, lorsque la chroniqueuse Marilyn vos Savant (qui figurait dans le Guiness Book of Records comme la personne ayant le QI le plus élevé au monde) l’a expliqué dans le journal du dimanche américain « Parade ». Après cela, elle a reçu plus de 10 000 lettres de lecteurs indignés, qui ne croyaient pas à sa solution. Sous une forme quelque peu simplifiée, l’énigme se présente ainsi :

Vous êtes dans un jeu télévisé et vous avez le choix entre trois portes fermées. Derrière l’une des portes se trouve une voiture, derrière chacune des deux autres se trouve une chèvre. Avant le début du jeu, la voiture et les chèvres ont été placées derrière les portes au hasard. Vous voulez gagner la voiture et vous devez pour cela ouvrir la bonne porte.

Dans un premier temps, vous devez choisir l’une des trois portes. La porte reste fermée après que vous l’avez choisie. Le présentateur ouvre maintenant l’une des deux autres portes. Il sait ce que cachent les portes et en choisit une avec une chèvre. Il reste donc deux portes fermées. Derrière l’une d’elles se trouve la voiture, derrière l’autre, la deuxième chèvre.

Le présentateur vous demande maintenant si vous souhaitez conserver votre premier choix ou si vous souhaitez choisir l’autre porte. Vous choisissez par exemple la porte 1, le présentateur ouvre la porte 3 avec une chèvre et vous demande alors : « Souhaitez- vous choisir plutôt la porte 2 ? »

Est-ce avantageux pour vous de changer votre choix ? Cela augmentera-t-il vos chances de remporter la voiture ?

Nous vous laissons un peu de temps pour y réfléchir et vous présentons d’abord un autre casse-tête qui piège de nombreux cerveaux.

Le « biais des survivants » pendant la Seconde Guerre mondiale
Le « biais des survivants » ne désigne pas vraiment une énigme, mais plutôt une erreur de réflexion fréquente, qui fut même commise par des décideurs de l’armée américaine. Par vous aussi ? Pour le savoir, nous allons vous en présenter l’exemple le plus connu :

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’escadrille américaine était régulièrement analysée afin de pouvoir optimiser les aéronefs. L’objectif était notamment d’équiper les endroits les plus fragiles avec un meilleur blindage. Pour ce faire, on a examiné les avions qui étaient revenus du front : quelles zones avaient été le plus souvent endommagées par des tirs ? L’idée sous-jacente était la suivante : il fallait renforcer le blindage des avions là où l’on comptait le plus grand nombre d’impacts de balles (voir schéma à droite). Était-ce une bonne idée ? Et si non, pourquoi ?

Solution 1. Problème des chèvres
Oui, il est avantageux pour vous de changer votre choix. Et même nettement plus avantageux : si vous restez sur la porte que vous avez choisie au début, la probabilité que vous remportiez la voiture n’est que de 1/3. En revanche, si vous passez à l’autre porte encore fermée, elle est de 2/3.

Pourquoi ? L’intervention du présentateur n’a rien changé à la probabilité qu’une voiture se cache derrière « votre » porte : celle-ci est toujours de 1/3, comme au début, car vous avez choisi entre trois portes équivalentes. Au contraire, la situation de départ a changé pour la deuxième porte fermée (appelons-la porte n° 2) : tandis qu’au début, la probabilité était de 1/3 pour chacune des trois portes, le 1/3 de probabilité de la porte déjà ouverte a été « transféré » à la porte n° 2. En effet, il est désormais impossible que la voiture se trouve derrière la porte déjà ouverte. La porte n° 2, que vous n’aviez pas choisie au début, a désormais 2/3 de probabilité de cacher une voiture.

Tout cela semble compliqué. Les choses sont un peu plus claires lorsque l’on présente les différentes possibilités :

Une autre réflexion qui aide à comprendre la réponse de manière intuitive : imaginez qu’il y a 100 portes au lieu de trois. Derrière l’une d’entre elles se trouve la voiture, derrière chacune des 99 autres se trouve une chèvre. Lors du premier tour, vous choisissez une porte parmi les 100. Le présentateur (qui sait où se trouve la voiture) ouvre alors 98 portes derrière lesquelles se trouve une chèvre. Une autre porte reste fermée. Choisiriez-vous maintenant l’autre porte ou conserveriez-vous votre choix initial ? Ici, il s’est passé la même chose avec d’autres chiffres : la probabilité que la voiture se trouve derrière « votre » porte reste de 1/100, comme au début. La probabilité que la voiture se trouve derrière la deuxième porte encore fermée a augmenté à chaque chèvre découverte. À la fin, elle est de 99/100.

Si la réponse ne vous convainc toujours pas, nous vous donnons le même conseil que la brillante chroniqueuse Marilyn vos Savant avait donné à ses lectrices et lecteurs : essayez ! Faites le jeu, encore et encore, et comptez avec quelle stratégie vous gagnez le plus souvent à long terme. Plus vous jouez souvent, plus la répartition des résultats s’approchera de la probabilité statistique.

Solution 2. Le « biais des survivants » pendant la Seconde Guerre mondiale
Non, ce n’était pas une bonne idée de renforcer le blindage des avions qui étaient revenus là où l’on comptait le plus d’impacts de balles. Pourquoi ? La clé du mystère réside dans le petit mot « revenus » : les stratèges de l’armée n’ont analysé que les avions dont les occupants avaient survécu et pu revenir, c’est-à-dire rentrer à la base avec leur appareil. Les zones où ils avaient été touchés n’étaient donc justement pas particulièrement fragiles, bien au contraire : bien que l’avion ait été touché à ces endroits, il n’était pas tombé à cause des tirs et avait pu rester en vol.

Il y avait aussi des endroits où les avions qui étaient revenus n’avaient jamais d’impacts de balles (voir petit schéma). Si l’on réfléchit selon le « biais des survivants », une chose est claire : c’est précisément ici qu’il faut renforcer le blindage ! On peut en effet supposer que les avions touchés justement à ces endroits n’avaient pas pu revenir car ils étaient tombés tout de suite. C’est de là que vient la désignation de ce problème : le biais des survivants, ou « survivorship bias » en anglais. Les données sont déformées car on évalue uniquement les survivants, au lieu de tenir compte de tout le groupe.

Le cerveau est le plus important de nos organes. Et pourtant, il reste tant de choses à découvrir à son sujet.

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