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Ah qu’il est doux le sentiment que l’on éprouve une fois son appartement bien rangé ! Un plaisir que confirme la recherche : faire des rangements est bon pour le cerveau. Encore qu’un certain chaos ne soit pas forcément à dédaigner – tout en sachant que les deux extrêmes ont des répercussions négatives sur le psychisme.
Les rangements rendent généreux
Ce n’est pas pour rien que les pros du rangement – voir la Japonaise Marie Kondo, qui écrit des livres et donne à la télé des cours sur l’art de mettre de l’ordre dans sa vie – ont un tel succès. Ses vidéos la montrent rendant visite à des gens souhaitant mettre de l’ordre dans leur vie, qu’elle aide à se défaire systématiquement de choses inutiles et qui, une fois l’ordre rétabli, rayonnent généralement de bonheur.
La recherche sur le cerveau confirme ce phénomène : avoir de l’ordre fait du bien au corps comme à l’esprit. Plusieurs études montrent que l’on est plus concentré et détendu dans un environnement professionnel bien rangé et que la production de cortisol, une hormone provoquant le stress, est alors nettement plus faible. Procéder régulièrement à des rangements contribue donc à atténuer le risque de maladies cardiovasculaires et de dépressions et aide même le cerveau à produire l’ « hormone du bonheur » qu’est la sérotonine.
Qui plus est, l’ordre encouragerait en outre un comportement social. Réalisée en 2013 à l’Université du Minnesota, une expérience consistant à amener des personnes vivant dans des conditions bien rangées pour les unes, chaotiques pour les autres, à faire des dons en espèces fictifs montre que les premières se montraient nettement plus généreuses que les secondes.
Quand le chaos prend le dessus
Un excès de chaos peut rendre malade. On estime de 2 à 5 pour cent de la population européenne les personnes souffrant de « thésaurisation pathologique », maladie inscrite depuis 2013 au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5). Les personnes atteintes de cette maladie ont pour les objets un attachement pouvant aller jusqu’à rendre des pièces entières inhabitables.
Une question de créativité
Cela signifie-t-il que tout le monde devrait s’inscrire à un cours de Marie Kondo ? Pas vraiment, car un excès d’ordre est, lui aussi, préjudiciable pour le psychisme. Un besoin d’ordre exacerbé peut engendrer des troubles compulsifs accompagnés d’une dépression.
Et – oh surprise : le désordre peut, lui aussi, être bénéfique pour le cerveau, notamment lorsqu’il s’agit de trouver de nouvelles idées. Si les personnes créatives passent souvent pour chaotiques, il existe aussi des études montrant l’inverse, à savoir que le chaos stimule la créativité. On en a l’exemple avec une étude de l’Université du Minnesota lors de laquelle des personnes furent priées de noter le plus grand nombre possible d’usages pouvant être faits d’une balle de tennis. Ces personnes se trouvaient pour partie dans une salle impeccablement rangée et pour partie dans une salle qui était un véritable capharnaüm. Résultat : un jury ignorant tout de la différence des lieux estima les idées du groupe « capharnaüm » significativement plus créatives que celles de l’autre groupe.
Lors d’un autre test, de la même série, les personnes entourées d’un véritable chaos choisirent, sur un menu, des boissons que le jury estima nettement moins conventionnelles que celles cochées par le groupe témoin. Conclusion des auteurs de l’étude : le désordre rend plus curieux et moins conventionnel.
Ces études montrent que ni l’ordre ni le chaos ne constituent en soi des paramètres permettant de se prononcer sur le bien-être, la santé ou la créativité physiques et psychiques d’une personne et que seule la synthèse de ces deux états fait de nous des êtres équilibrés et réceptifs au grand nombre d’impulsions chaotiques auxquelles nous sommes quotidiennement exposés.